Pourquoi vouloir écrire un roman à suspense ? ou, plus largement, pourquoi vouloir insérer du suspens dans son roman, que ce soit un thriller, de la fantasy médiévale ou une romance ? La réponse est simple : parce que chaque auteur veut que son livre soit un « page turner ». Tous les romanciers caressent le rêve secret que ses lecteurs arrivent le matin au bureau avec une Samsonite sous chaque œil, le cerveau embué par le manque de sommeil parce qu’il n’a pas réussi à poser son livre avant 3 h du matin (« Allez, juste un chapitre de plus »).
Alors comment insérer du suspens dans un roman ? Comment faire en sorte que le lecteur soit incapable de lâcher l’affaire, incapable de continuer leur petite vie sans savoir ce qu’il va se passer ensuite ?
C’est un mélange savamment dosé d’anticipation, de frustration et de révélations jouissives. L’art suprême du sadisme littéraire, en somme.
Dans cet article, nous allons explorer une méthode claire et efficace pour structurer un thriller palpitant, en passant en revue les techniques indispensables qui transformeront votre prose en machine à rendre insomniaque.
Sommaire
L’auteur de suspense est un illusionniste vicieux : il ne doit jamais donner au lecteur ce qu’il veut, mais seulement ce dont il a besoin pour continuer à souffrir. Pour cela, deux techniques imparables :
C’est la technique du « cache-cache narratif ». On ne montre que ce qu’un seul personnage perçoit, et tant pis si le lecteur hurle intérieurement pour en savoir plus. Dracula de Bram Stoker en est l’exemple parfait : chaque personnage apporte un bout de puzzle, mais personne n’a l’image complète. Résultat ? Suspense insoutenable garanti
À l’inverse, l’auteur peut donner au lecteur des informations qu’un personnage ignore, ce qui crée une tension dramatique intense. Hitchcock disait que « le suspense naît lorsque le spectateur sait qu’une bombe est sous la table et que les personnages continuent de discuter sans s’en douter ».
L’attention du lecteur est généralement concentrée sur le début et la fin d’un paragraphe. Alors quand vous voulez leur donner une information importante sans vendre la mèche… insérez-la au milieu.
Enfin l’un des principes fondamentaux du suspense, et notamment du suspense horrifique, repose sur l’angoisse de l’inconnu.
H.P. Lovecraft l’a parfaitement compris : dans L’Appel de Cthulhu, il ne décrit jamais précisément la créature principale. Il se contente d’évoquer ses effets sur ceux qui la voient. Cette absence de description précise laisse le lecteur combler les blancs avec ses propres peurs, rendant l’horreur encore plus efficace.
Dans un thriller, l’auteur peut jouer sur ce principe en laissant planer le doute :
Vous voyez l’idée ? Faites mijoter votre lecteur à feu doux.
Un bon suspense, ce n’est pas une course effrénée de 300 pages où tout explose à chaque chapitre. Sinon, au bout de 50 pages, le lecteur est essoré comme une serpillière et décide d’aller voir ailleurs.
L’astuce, c’est le contraste. Un faux répit, une scène calme où tout semble sous contrôle… et BAM ! On relance la tension.
L’objectif est simple : faire croire au lecteur qu’il peut souffler, puis le frapper avec une nouvelle vague de stress.
Un bon rythme narratif repose sur une alternance maîtrisée de moments intenses et de pauses stratégiques. Voici quelques techniques pour structurer cette respiration narrative :
Un chapitre haletant, où le personnage est poursuivi, suivi d’un chapitre plus contemplatif, où il se cache et réfléchit à son plan, permet d’entretenir la tension sans fatiguer le lecteur.
Dan Brown, dans Da Vinci Code, maîtrise cette technique à la perfection en coupant chaque scène d’action avec une phase d’investigation ou de dialogue plus calme, pour mieux relancer la tension ensuite.
Lorsque la tension monte, les phrases doivent se raccourcir, le rythme s’accélérer. L’écriture devient plus nerveuse, plus percutante. Puis, quand la scène d’action se termine, un retour à des phrases plus longues et plus fluides permet de relâcher la pression.
Exemple dans Le Silence des Agneaux : lorsque Clarice Starling explore la maison de Buffalo Bill, les phrases se raccourcissent, la ponctuation saccade le texte. Lorsque le danger immédiat est écarté, les phrases reprennent leur souffle.
Rien de plus efficace qu’un instant de répit avant une explosion de tension. Le héros pense être en sécurité, il se croit à l’abri… et c’est là que tout bascule.
Prenons Psychose d’Alfred Hitchcock. La scène de la douche est précédée d’un moment paisible où l’héroïne semble enfin relâcher la pression. Ce qui suit est d’autant plus terrifiant.
Lisez l’article : « Comment écrire des dialogues naturels«
Le faux indice, c’est la technique ultime du maître manipulateur. L’idée ? Faire croire au lecteur qu’il a compris… pour mieux lui tordre le cerveau ensuite.
Prenons Le Crime de l’Orient-Express d’Agatha Christie. Toute l’intrigue repose sur une accumulation de faux indices et de témoignages contradictoires qui rendent chaque suspect plausible, avant de dévoiler un twist magistral. Le lecteur croit comprendre, il est sûr de lui, puis il se rend compte qu’il était dans l’erreur.
La question à se poser, scène par scène, est la suivante : « Qu’est-ce que je veux que mon lecteur croie à ce moment du récit ? »
ATTENTION : Spoil de « Les dix petits nègres »
Chapitre 9 : Je veux que mon lecteur pense que le juge Wargrave est peut-être l’assassin
Chapitre 13 : Je veux que mon lecteur pense que le juge Wargrave ne peut pas être l’assassin puisqu’il est lui-même victime du tueur.
Épilogue : Je révèle que le juge Wargrave a simulé sa mort et était bel et bien l’assassin.
En sachant ce que vous voulez que votre lecteur pense, vous êtes en capacité de le promener où bon vous semble d’un chapitre à un autre et de le mener sur de fausses pistes.
À appliquer : utilisez des fausses pistes, des témoins peu fiables, des indices qui se contredisent. Faites en sorte que chaque avancée dans l’intrigue génère plus de questions que de réponses.
Rien de plus jouissif que de faire soupçonner un personnage jusqu’au bout… pour dévoiler qu’il était innocent depuis le début. Dans Les Dix Petits Nègres, chaque personnage est un coupable potentiel, et pourtant, le véritable meurtrier est celui que l’on suspecte le moins.
Quand un personnage raconte un événement, doit-on le croire sur parole ? Pas forcément. Un narrateur peu fiable, un témoin menteur ou simplement un souvenir biaisé peuvent donner naissance à des fausses pistes fascinantes.
Shutter Island de Dennis Lehane joue brillamment avec cette notion : le protagoniste voit ce qu’il veut voir, et le lecteur est pris dans cette illusion.
Un objet clé qui semble contenir la réponse, mais qui détourne en réalité du véritable indice. Imaginez un revolver retrouvé sur une scène de crime qui semble être l’arme du meurtre… jusqu’à ce qu’on découvre qu’il était là depuis des années et n’a rien à voir avec l’affaire.
Une phrase ambiguë ou un lapsus peut orienter l’enquête dans la mauvaise direction. Dans Gone Girl, Gillian Flynn utilise des extraits du journal intime d’Amy pour induire le lecteur en erreur et le faire adhérer à une version erronée de l’histoire.
Regardez la vidéo : « Les 16 étapes pour écrire un roman«
Le cliffhanger — littéralement « accroché à une falaise » — c’est l’équivalent narratif d’une gifle en pleine face suivie d’un « On en reparle demain ! ». Le concept est simple : couper un chapitre pile au moment où tout bascule.
Cette technique est utilisée dans les romans, les séries télévisées, les films et même les jeux vidéo. Les feuilletonistes du XIXe siècle, comme Charles Dickens, en étaient les premiers adeptes. Aujourd’hui, on la retrouve partout, des thrillers de Stephen King aux enquêtes d’Agatha Christie.
C’est LA technique si vous voulez écrire un roman à suspense.
Le secret de son efficacité repose sur un mécanisme psychologique puissant : le cerveau humain déteste l’inachevé. Lorsqu’une question est posée sans réponse immédiate, l’esprit est en boucle. C’est l’effet « Juste encore un chapitre… » qui se transforme en « Oh non, il est 3 h du matin ! ».
Tous les cliffhangers ne se ressemblent pas. Il en existe plusieurs types, chacun ayant son propre effet sur le lecteur.
C’est le plus classique et le plus intense. Le héros est en danger, quelque chose d’horrible va se produire… et le chapitre s’arrête net.
Exemple : Dans Misery de Stephen King, Paul Sheldon tente de s’échapper, mais Annie Wilkes revient… et fin de chapitre ! On tourne frénétiquement la page pour savoir s’il va s’en sortir.
Le héros découvre une vérité sidérante, mais l’auteur coupe court avant d’en dévoiler plus. Frustration maximale garantie.
Exemple : Dans Les Dix Petits Nègres d’Agatha Christie, chaque fin de chapitre laisse entendre que le prochain personnage va mourir… mais on ne sait pas comment ni quand.
Le personnage doit faire un choix impossible. Une vie en dépend, et le lecteur n’a qu’une envie : savoir quelle décision sera prise.
Exemple : Dans The Hunger Games de Suzanne Collins, Katniss et Peeta se retrouvent dans la dernière épreuve, où il ne peut y avoir qu’un seul survivant. Doivent-ils s’entretuer ou défier le système en refusant de jouer ? Le chapitre s’arrête juste avant la décision.
Le lecteur pense que tout est réglé… jusqu’à la dernière ligne qui détruit ses espoirs. On appelle ça l’ascenseur émotionnel.
Exemple : Dans Shutter Island de Dennis Lehane, chaque fois que le héros croit toucher la vérité, un nouvel élément vient tout remettre en question.
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C’est un art de précision où chaque élément joue son rôle pour faire vibrer le lecteur entre curiosité et frustration, excitation et angoisse.
Récapitulons les ingrédients essentiels pour écrire un roman à suspense inoubliable :
Un roman à suspense, c’est un jeu de dupes où l’écrivain tire les ficelles et le lecteur se croit malin… jusqu’au moment où il réalise qu’il a été magistralement manipulé.
Maintenant, c’est à vous de jouer ! Quelles sont vos techniques préférées pour tenir un lecteur en haleine ? Avez-vous un roman dont le suspense vous a empêché de dormir ? Partagez vos pensées en commentaire !
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Pile au moment, où j'écris un thriller. Très, très, très utile, et à propos. Merci, pour cet article, qui me semble englober les points importants, à utiliser dans un thriller. Bientôt, je pourrais te dévoiler le titre et un extrait. Amicalement, Enzo.
J'attends cela avec impatience.
Merci pour ce commentaire
C'est assez complque. Je pense que l'essentiel est d'avoir beaucoup de vocabulaire riche et une panoplie de romans inspirants.
Effectivement, cela aide quel que soit le genre de roman que l'on écrit.