A quoi sert un arc de personnage ? A le faire évoluer. A faire de lui un être complexe et crédible qui va s’adapter à son environnement, aux événements et changer sa psychologie, ses buts et son comportement.
Un bon personnage est bien plus qu’une liste de caractéristiques physiques et/ou mentales que l’on balance en début de roman pour expliquer « qui il est » avant de s’en désintéresser pendant les 300 pages qui suivent.
Il doit partir d’un point A et arriver au point Z sans oublier toutes les étapes qui se situent entre ces deux points.
(Lisez l’article : « Les 10 composants essentiels d’un personnage de roman« )
Pour traiter de ce sujet essentiel à l’écriture d’un roman, Lorenzo Villard, auteur du blog « Rouages de l’écriture« , nous propose le résumé du livre de David Wisehart « How to Write Great Characters ».
Ce livre − disponible uniquement en anglais − donne une méthode unique de création et de développement de personnages basé sur l’ennéagramme.
Cette chronique (et traduction) est un article invité écrit par Lorenzo VILLARD du blog Rouages de l’écriture.
Sommaire
L’auteur de ce livre se présente comme un écrivain, directeur et producteur à Hollywood − et un ancien producteur de jeux vidéos à Century Fox. Il a notamment :
D’après David Wisehart, il s’adresse à tout auteur qui veut avoir du succès, en découvrant un ensemble d’outils pour créer des personnages captivants. Il n’y a aucun prérequis, si ce n’est de venir avec un esprit ouvert et l’envie d’apprendre.
Quelqu’un veut quelque chose, et a du mal à l’obtenir. Définition d’une histoire selon David Wisehart
Les histoires naissaient des personnages. Dans la plupart des histoires, ces personnages sont humains pour que l’audience puisse s’identifier en eux. Les gens écoutent des histoires pour apprendre sur eux-mêmes, sur les autres et sur le monde. Il faut donc, en tant qu’auteur, un outil pour :
Et le meilleur outil que David Wisehart ait trouvé pour cela est l’ennéagramme. C’est un modèle qui catégorise les humains en neuf personnalités types. Chacune est dominée par une peur, qui influence ses actes, pensées et sentiments.
À présent, on va décomposer la phrase « Quelqu’un veut quelque chose, et a du mal à l’obtenir » pour l’expliquer, morceau par morceau.
Le personnage a un but externe, lié à ce qu’il veut. Il en est conscient dès le début de l’histoire.
Ce personnage aussi un but interne, qui est ce dont il a besoin. Il n’en prend conscience qu’au fur et à mesure de l’histoire.
Je pensais que je voulais X, mais ce dont j’avais besoin depuis le début, c’était Y.
L’histoire va placer des difficultés croissantes en face du personnage, rendant sa tâche quasi impossible. Malgré les échecs, les personnages continuent d’essayer, encore et encore. Jusqu’à ce qu’ils n’aient plus qu’un ultime choix, qu’ils avaient évité jusque là : changer.
Heureusement pour les auteurs, il existe des motifs qui montrent comment et pourquoi les personnages changent.
Le personnage change, et obtient ce qu’il voulait. Happy ending !
Ou alors il refuse de changer et n’arrive pas à avoir ce qu’il souhaitait. Mauvaise fin.
Enfin, le personnage peut changer, ne pas obtenir ce qu’il voulait, mais obtenir à la place ce dont il avait besoin. « On ne peut pas toujours avoir ce qu’on veut ».
Les bons personnages nous enseignent des choses sur nous-mêmes et nous apprennent à survivre dans ce monde.
Ce qu’un homme peut faire, un autre le peut aussi Anthony Hopkins
C’est pour cela que nous avons besoin de héros : pour nous montrer la voie.
Si tu veux avoir la réponse de Brandon Sanderson à cette même question, j’ai fait le résumé de l’un de ces cours sur les personnages.
L’ennéagramme décrit neuf peurs fondamentales, qui façonnent la personnalité. Une peur dominante et profonde, cachée derrière toutes ses autres craintes.
S’ils maîtrisent leur peur fondamentale, chaque archétype se trouve doté de forces qui lui sont propres.
S’ils laissent leur peur les dominer, chaque archétype va montrer son côté obscur.
Si ça t’intéresse, le livre discute plus en détail chaque archétype de personnage, leurs forces, leurs faiblesses, et donne des exemples historiques.
Le but d’un bon arc narratif est de créer un changement crédible et satisfaisant pour le personnage. Voici les neuf étapes de progression d’un personnage, du meilleur qu’il puisse être au pire − une descente vers le côté obscur :
Un personnage ne va pas passer du stage Pathologique au stage Libéré en une seule histoire. Ça prend du temps, ce ne serait pas crédible. La plupart des arcs narratifs font monter un personnage d’un cran vers le haut ou le bas.
C’est difficile de monter dans cette hiérarchie − il est en revanche beaucoup plus simple de descendre.
L’ennéagramme possède des flèches, qui font la connexion entre les différents archétypes que nous avons déjà vue :
Ces flèches sont appelées lignes de tensions (sens de la flèche) ou lignes de relaxation (sens inverse).
Bien sûr, les personnages préfèreraient se relaxer. Mais l’histoire en veut autrement. Quand le personnage affronte un (ou plusieurs) stress majeur, ils vont essayer de le gérer avec leurs propres outils − et échouer. Que vont-ils faire alors ? Utiliser les outils d’un autre archétype. Et commencer à se comporter différemment.
Pour bien expliquer comment cela fonctionne, David Wisehart fait l’étude de cas du film Maléfique, qui utilise exactement ce schéma d’arc narratif. Maléfique va faire un tour complet de l’ennéagramme en passant successivement par six archétypes différents, avant de revenir changée à son archétype initial. Elle revient avec une meilleure morale.
Maléfique est naturelle de l’archétype Chef ; elle a donc peur d’être contrôlée. Elle commence en tant que protectrice d’un royaume féérique.
Royaume qui se fait attaquer par le roi Henry. Maléfique réussit à le défendre, mais dans la bataille, elle blesse mortellement le roi. Dans ces derniers instants, il promet son royaume à celui qui tuerait Maléfique.
Stephan, l’amour de Maléfique, est ambitieux. Alors, il la trompe et l’endort à l’aide d’une drogue. Il ne parvient pas à se résoudre à la tuer ; à la place, il lui coupe les ailes et les ramène dans le royaume, prétendant qu’elle a tué Maléfique. Il s’agit bien sûr pour elle du premier stress majeur de l’histoire.
En suivant la flèche partant du type 8 (Chef), on se rend compte qu’elle se retrouve vers le type 5 (Observateur). Vu son état mental, elle se retrouve du côté obscur de ce type.
Elle se renferme sur elle-même, reste seule pour soigner ses blessures et préparer un plan pour contre-attaquer.
Maléfique devient la Reine Ténébreuse et cherche à présent la vengeance. Elle passe du type 5 au type 7 : l’Aventurier. Elle se met donc à prendre des risques et essaye d’échapper à sa douleur interne en agissant concrètement.
Elle quitte son château et sauve le corbeau Diaval, retenu prisonnier par les humains. Elle lui retire ses ailes à l’aide de magie et ce dernier devient un métamorphe, capable de se transformer en humain.
À présent, au lieu d’être la protectrice d’un royaume, Maléfique est devenue la maîtresse d’un sbire. Elle apprend aussi la vérité sur la trahison de Stephan, et créer une barrière de ronces impénétrables autour de son royaume féérique.
Quelques années plus tard, après la naissance de la fille de Stephan − Aurore −, Maléfique interrompt une cérémonie pour maudire cette fillette : à ses seize ans, elle plongera dans un sommeil éternel ; et seul un baiser d’amour pur pourrait la sauver. Elle a enfin sa revanche !
Malgré tout, Maléfique n’est pas entièrement satisfaite de sa vengeance. Elle passe du type 7 au type 1 : Réformateur. Elle devient prompte à critiquer les autres.
Le roi Stephan envoie sa fille en sécurité, et Maléfique s’introduit dans sa cachette. Tout ce qu’elle trouve à dire « Ce bébé est si laid, je serais presque désolée pour elle ». Elle projette les sentiments qu’elle a envers elle-même sur cet enfant.
À cause de son côté perfectionniste de Réformateur, Maléfique estime que les fées qui devaient s’occuper de la petite Aurore ne sont pas assez compétentes ; alors elle envoie son corbeau pour donner du nectar à l’enfant.
Quand Aurore grandit et rencontre enfin Maléfique, cette dernière lui dit qu’elle n’aime pas les enfants. Mais quand Aurore commence à partir, Maléfique est attristée.
Alors Maléfique amène Aurore à travers les murs de ronces de son royaume féérique. Aurore est émerveillée par ce royaume. Elle ignore ses origines royales et prend Maléfiques pour sa marraine.
Maléfique, au lieu de la corriger comme ferait un Réformateur, elle se prêt au jeu comme le ferait un Romantique, du type 4. Cette relation avec Aurore commence à réveiller les sentiments étouffés de Maléfique.
À présent, Maléfique veut sauver Aurore de la malédiction qu’elle a elle-même lancée. Mais elle n’y arrive pas. Elle désespère, car elle est persuadée qu’il n’existe pas d’amour pur, et qu’elle est donc condamnée.
Peu avant de tomber dans ce sommeil éternel, Aurore apprend la vérité sur Maléfique et fuit le royaume féérique. Elle retourne au château de son père avant de s’endormir.
Maléfique a à présent peur de perdre Aurore. Elle recommence à se comporter comme un Chef. Elle libère son sbire corbeau de son emprise, et se rend au château du roi.
Elle exprime alors ouvertement ses sentiments vis-à-vis d’Aurore, et l’embrasse sur le front ; alors, Aurore se réveille. L’arc de Maléfique est à présent terminé !
Tu peux retrouver dans le livre l’étude de cas complète.
Ce livre présente une méthode originale pour la création de personnages et la construction de leurs arcs narratifs.
Je tiens à préciser par honnêteté intellectuelle que la théories des personnalités l’ennéagramme appliquée à l’être humain est rejetée par la science ; car les personnalités humaines varient par dégrée, pas par type. Les humains sont plus ou moins courageux, pas simplement courageux ou lâches (ce qui me fait penser à l’idée de curseurs de Brandon Sanderson). De plus, les catégories de l’ennéagramme ne viennent pas d’observations empiriques. Ces idées ne sont pas intrinsèquement bonnes ou mauvaises, mais elles ne sont pas testées scientifiquement.
Cela étant dit, l’ennéagramme peut rester pertinent pour la création de personnages ; il ne faut simplement pas penser qu’il s’agisse de la seule façon de faire. Ce qui est intéressant est l’idée de justifier les traits de personnalité des personnages − ce qui leur donne profondeur et crédibilité. L’ennéagramme le fait avec une peur profonde, qui est en effet une idée puissante.
En conclusion, ce n’est pas une méthode qui me parle personnellement, mais peut-être te conviendra-t-elle ; c’est pour ça que je te la partage 😉
Points forts :
Points faibles :
Ma note subjective :
Comment réaliser un booktrailer captivant ? Vous envisagez de créer un booktrailer pour promouvoir votre…
« J’ai écrit un livre ! » Cette phrase vous vous la répétez encore et encore, car vous…
Comment sortir du lot ? Comment se démarquer au milieu d’un océan de publications toujours plus…
C’est un sujet qui est sur toutes les bouches en ce moment : « Peut-on écrire un…
L’auto-édition a beaucoup évolué depuis les 20 dernières années. Elle n’est plus réservée aux « mauvais » auteurs…
Je vous invite à découvrir le site Simplement pro Chaque mercredi, j’explique et décortique pour…
View Comments
Merci pour cet article.
Je reste effectivement circonspect sur les changements de type, mais les définitions d'origine et les peurs associées sont des idées intéressantes pour réfléchir.