Les 6 types de conflits dans une histoire

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Les conflits ! On les déteste souvent, mais on s’ennuierait comme des rats morts sans eux. C’est valable pendant les repas de famille, mais ça l’est encore plus dans une histoire, que ce soit un film ou un bon roman. Kurt Vonnegut disait que « Toutes les histoires parlent d’un personnage qui a des problèmes et essaye de s’en sortir ».

Dans l’article « Les 16 étapes pour écrire un roman », je disais qu’« Un roman sans conflit c’est comme une pizza sans fromage. Cela se mange, mais cela n’a aucun intérêt »… Bon d’accord, niveau citation je peux encore m’améliorer, mais admettez que Vonnegut et moi disons plus ou moins la même chose 😉

Le conflit est, avec l’enjeu, LA raison qui va faire que votre lecteur s’intéresse ou non à votre histoire. C’est lui qui va faire avancer votre histoire. Il va affecter votre intrigue, mais aussi vos personnages, votre ton, votre thème et votre contexte. C’est la raison pour laquelle définir le conflit central de votre roman est une des étapes essentielles pour écrire votre roman.

 

Qu’est-ce qu’un conflit ?

Dis simplement, il s’agit de tout obstacle qui se mettra en travers de la route d’un personnage et l’empêche d’atteindre son but.

Ça a l’air d’une “simplitude enfantinesque” dit comme cela, mais la plupart des meilleures histoires sont nées de ce simple état de fait : un personnage veut quelque chose à tout prix, mais il ne peut pas l’avoir. Voici la preuve en quelques exemples qui mettront tout le monde d’accord :

– Pip veut devenir un gentleman, mais la bourgeoisie anglaise refuse dans « Les grandes espérances »

– Michael Corleone veut rester en dehors des affaires de sa famille dans « Le Parrain », mais il ne résiste pas au devoir filial.

– Harry Potter veut vivre sa petite vie de sorcier tranquille, mais il est harcelé par les attaques de Voldemort.

Souvent les auteurs plantent les graines du conflit dans la phase d’ouverture du roman, celle dans laquelle ils présentent le personnage principal dans son environnement « normal ». Ensuite, la graine germe et le conflit éclate tout au long du récit jusqu’à sa résolution.

C’est ce qui crée une histoire.

Comment un conflit change un personnage ?

Est-ce que vous saviez que tous les auteurs sont des mégalomanes sadiques en puissance ? (Mais on se soigne… Non, ce n’est pas vrai. On adore ça 🙂 )

Pourquoi ? Parce qu’un protagoniste doit passer par ce qui ressemble le plus à l’enfer pour qu’il change et se développe.

On entend souvent dire que c’est dans l’adversité que les personnes révèlent leur vraie personnalité. C’est également vrai pour les personnages de fiction. Le conflit va mettre au grand jour la véritable personnalité de vos protagonistes.

Disons que votre personnage principal tue quelqu’un par accident. Que va-t-il faire ? Se dénoncer à la police ou cacher le corps et s’empêtrer dans les mensonges ?

Mais le conflit n’a pas besoin d’être violent pour générer du changement chez un personnage. Le conflit intérieur d’un jeune homme peut l’amener à se déchirer entre poursuivre ses études pour faire plaisir à sa vieille maman ou réaliser son rêve et faire le tour du monde en Vespa.

Cette évolution du personnage, elle se fera en l’emmenant d’un point A en début de roman, jusqu’à un point Z en fin de roman (si possible en passant par tout l’alphabet. Ne le faites pas aller de A à Z en ligne droite, svp). Les malheurs qu’il subira lui permettront de prendre conscience de ses faiblesses morales et/ou psychologiques et d’en sortir victorieux (ou pas) à la fin.

(Lisez l’article: “Les 10 composants d’un personnage de roman« )

Ne créez pas de conflit dans le seul but de créer un conflit

Un « bon » conflit doit toujours avoir un lien avec l’enjeu ou l’objectif de votre personnage. Il doit l’aider à progresser ou à régresser vers cet objectif et à faire comprendre des choses à votre personnage.

Si vous racontez l’histoire d’un couple qui bat de l’aile, demandez-vous si une dispute de 30 secondes sur « Qui doit sortir les poubelles » permettra de faire avancer l’histoire ou l’un des personnages ?

Quels sont les six types de conflits en fiction ?

1. Personnage contre personnage

Qu’y a-t-il de plus difficile à gérer que les gens ? C’est une règle absolue : dès qu’il y a plus d’une personne impliquée, les conflits finissent toujours par arriver.

Cas typique de conflit externe, les conflits personnage contre personnage peuvent connaître de nombreuses nuances de subtilité dans la façon d’être abordée. Il y a la façon « simpliste » blanc contre noir, gentil contre méchant, superhéros contre super-méchant, Laurie Strode contre Michael Myers (Halloween), Harry Potter contre Voldemort.

D’un autre côté, il y a les conflits plus subtils que l’on peut rencontrer dans des romances ou des drames familiaux : Gatsby contre Buchanan (Gatsby le magnifique), Walter White contre Skyler White (Breaking Bad), Kramer contre Kramer, etc.

L’opposant du protagoniste principal est capital pour la définition du héros. Il n’existe pas de « bon » héros sans « bon » méchant. Si Dark Vador ou le Joker sont des adversaires aussi populaires, ce n’est pas parce qu’ils font plus peur ou qu’ils sont plus charismatiques que les autres. C’est parce qu’ils sont animés par une foi, un passé, des croyances, des valeurs qui s’opposent à celles du héros tout en étant défendables sous certains aspects.

Plus l’adversaire est construit et complexe, plus le héros le sera également et leur conflit digne d’intérêt.

(Lire l’article : “Jusqu’où aller dans la construction de ses personnages”)

2. Personnage contre l’autorité

Autorité est à prendre au sens large. On peut parler ici d’un conflit avec l’autorité parentale (Roméo et Juliette), un gouvernement dictatorial (Hunger Games), une force de police corrompue, etc.

À partir du moment où un personnage ou un groupe de personnage réalise qu’il n’a pas sa place dans le monde dans lequel il évolue, il entre en rébellion.

C’est très souvent le conflit utilisé dans les mondes dystopiques. Nous y voyons un personnage se battre contre une société dérangeante (V pour Vendetta), mais cela peut également être l’occasion d’opposer les valeurs portées par un univers et celles d’un protagoniste (Le diable s’habille en Prada)

3. Personnage contre la nature

Dans ce type de conflit, la nature doit être comprise comme notre environnement ou un élément de cet environnement et pas seulement la nature hostile lors d’un trek dans le jardin des plantes.

La vie sauvage et les bulletins météo ont toute leur place ici. Votre personnage peut se battre avec un espadon (le vieil homme et la mer) ou une baleine (Moby Dick), contre un cataclysme météorologique (Le jour d’après), une île déserte (Robinson Crusoé) ou une planète hostile (Le martien).

Ce type d’adversaire ne pouvant pas évoluer psychologiquement, ce type de conflit est généralement couplé avec un conflit interne pour permettre au protagoniste de changer au cours du récit (j’en parle plus en détail plus bas)

4. Personnage contre technologie

On pourrait croire que ce type de conflit est très récent. Quand on l’évoque, on pense généralement au combat de l’homme contre la machine (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ou Blade Runner pour les cinéphiles) ou l’intelligence artificielle (I, robots), mais il n’en est rien. À ma connaissance, le plus ancien récit sur ce type de conflit est le Frankenstein de Mary Shelley dans lequel un scientifique doit se battre contre sa propre création.

La science-fiction a la part belle dans ce type de conflit évidemment. C’est un excellent moyen de s’interroger (et de pousser le lecteur à faire de même) sur les bienfaits et la moralité de cette technologie. À ce titre, je ne peux que vous conseiller l’excellente série « Black Mirror » qui a fait de ce type de conflit son leigh motiv et qui le traite avec subtilité et habileté.

5. Personnage contre le surnaturel

Si la science-fiction à la part belle dans le précédent conflit, celui-ci est l’apanage du fantastique. Que votre protagoniste soit aux prises avec des vampires, des aliens, des fantômes, des clowns mangeurs d’enfant ou des possessions démoniaques, il s’agit souvent d’une occasion pour le héros de faire face à sa propre nature. Les multiples facettes de son humanité sont remises en question et il peut arriver que le monstre ne soit pas celui qu’on pensait.

6. Personnage contre lui-même

Maintenant que nous avons vu tous les conflits externes, occupons-nous de celui qui peut être couplé indifféremment avec tous les autres: le conflit interne.

Peu importe ce que votre protagoniste va affronter : un sorcier démoniaque, Panem, un grand requin blanc, ou une armée de vampire, le lecteur aura toujours plus d’empathie pour votre personnage principal si celui-ci est en proie à un conflit interne.

Cela peut être un conflit entre ses besoins et sa morale, son devoir et sa peur ou ses désirs et son honneur, etc.

Harry Potter doute sur sa propre nature de bon sorcier, Katniss se refuse à tuer alors que sa survie dans l’arène en dépend, le chef Brady doit vaincre sa peur de l’eau pour tuer le requin, Bella est partagée dans un triangle amoureux entre un cocker mutant et un vampire vegan, etc.

Quasiment tous les livres et films du monde (les bons en tout cas) intègrent un conflit interne.

Quand c’est le cas, conflits externes et internes améliorent la qualité d’une histoire. Le conflit interne d’un personnage va complexifier le conflit externe et celui-ci permettra au personnage d’évoluer et de résoudre son conflit interne… hem, je ne sais pas si j’ai été super clair, là.

Bon, exemple:

Dans « Le silence des agneaux », Clarisse Starling veut arrêter le tueur en série Buffalo Bill, mais elle est également aux prises avec un conflit interne : elle est hantée par les cris des agneaux qu’elle n’a pas pu sauver de l’abattoir.

Ce conflit interne va complexifier sa tâche d’agent du FBI dans le cadre de ses relations avec Hannibal Lecter, car elle a besoin de lui pour arrêter Buffalo. L’arrestation du tueur en série sera également l’occasion pour elle de faire taire les voix du passé.

Comment créer un conflit interne ?

Je rejoins les propos de John Truby dans son anatomie du scénario. Tout doit partir des faiblesses du personnage principal.

Même Superman a sa Kryptonite, à moins que vous n’ayez décidé de créer le héros le plus ennuyeux du monde, le vôtre aura forcément une faiblesse. L’idéal est qu’il en ait de deux types :

1 — Une faiblesse psychologique

Elle n’affecte que le héros. Il s’agit généralement d’une peur ou d’un doute qui lui pourrit la vie. Il peut arriver que le héros n’ait même pas conscience qu’il possède cette faiblesse.

Cette faiblesse crée un besoin psychologique dont le héros n’a aucune connaissance en début de roman. Au début du silence des agneaux, Clarisse Starling ignore qu’elle doit vaincre les spectres de son passé pour faire ses preuves. Elle ne le découvre qu’après.

2 — Une faiblesse morale

Elle affecte l’entourage du héros. Il s’agit d’un comportement répréhensible du héros envers son entourage. En tant qu’être humain, il n’est pas parfait et il peut lui arriver de se comporter comme le dernier des « Biiiiiip ».

Le besoin moral qui en découle est un élément important si vous voulez donner de la profondeur à votre personnage et c’est le meilleur outil pour créer un conflit interne. Il apparaît généralement en début de roman à travers une mauvaise action du héros.

Dans Docteur Sleep, Dany commence le récit par voler de l’argent dans le portefeuille d’une mère célibataire chez laquelle il se réveille avec la gueule de bois. Cette action va motiver la quasi-totalité de ses actions dans le reste du roman.

[Si vous voulez en savoir plus sur la construction d’un personnage, vous pouvez télécharger gratuitement le modèle de construction de personnage en cliquant ici ]

Comment créer un conflit externe ?

Je ne m’attarderai ici que sur le conflit personnage contre personnage, car c’est, d’après moi, le plus riche et le plus difficile à créer.

Toujours sur la base du livre de Truby, c’est l’adversaire qui crée le héros et non l’inverse. La caractéristique principale d’un bon adversaire pour créer un conflit digne d’intérêt, c’est que le héros et lui se battent pour le même objectif, mais avec des valeurs diamétralement opposées.

Par exemple : Luke Skywalker et Dark Vador veulent tous deux apporter la paix à la galaxie, mais le premier choisit la voie de la démocratie tandis que le second veut imposer sa volonté dictatoriale.

Quand on a défini objectifs et valeurs, demandons-nous ce qu’il y a de mieux qu’un bon adversaire ?

Deux adversaires ?

Et pourquoi pas trois adversaires ? Ou plus ?

Vous avez toujours la possibilité d’écrire un mano a mano. C’est possible, mais ne vous attendez pas à vous retrouver avec un récit très riche. Vous serez limité par une relation bilatérale.

Les meilleurs romans ont au moins trois adversaires (sinon plus). L’adversaire principal d’Harry Potter est Voldemort (j’espère que je ne vous apprends rien), mais il a également des adversaires secondaires en la personne du professeur Rogue et de Draco Malefoy.

Chacun de ses adversaires aura une façon particulière de s’attaquer aux faiblesses du héros. Ces attaques seront toutes en lien avec l’objectif du héros et elles attaqueront ses faiblesses psychologiques et morales, mais chacune sous un angle différent.

C’est ce que Truby appelle l’opposition à quatre coins. Elle est illustrée par le schéma suivant.

truby-four-corner-opposition-for-larry

On remarque que chaque protagoniste est en conflit avec le héros, mais également avec les autres adversaires. C’est un excellent moyen d’augmenter le nombre de conflits dans votre histoire. Le conflit devient alors plus intense et l’intrigue plus dense.

La leçon à retirer de tout cela, c’est que votre héros doit être malmené pour qu’il soit forcé à changer. Alors, n’hésitez pas. Harcelez votre héros. Pourchassez-le. Blessez-le. Tuez sa famille et ses amis. Dites-vous que c’est pour son bien.

Dans « Charlie et le magicien invisible », le pauvre Charlie se fait bousculer par des brutes dans la cour de l’école, il perd son jouet préféré, se fait punir injustement et voit sa meilleure amie se faire kidnapper… C’est un roman pour les enfants. Pas de tête ou de bras coupés ici 🙂

Maintenant, montrez-moi quels sadiques vous êtes. Quelles sont les pires épreuves que vous avez fait subir à votre héros ? Il n’y a pas besoin que ce soit sanglant. Juste un peu traumatisant.

Racontez-le-moi dans les commentaires.

Image par Ryan McGuire de Pixabay


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11 Responses

  1. Superbe podcast ! Merci Jérôme. Je partage dans la foulée. Tellement de conseils à deux balles partout sur la toile, que vous venez de gagner une lectrice inconditionnelle (ce qui vous fait une belle jambe, i suppose).
    Concernant mon héroïne du moment, elle a 15 ans et sa grand-mère vient de claboter dans ses bras, non sans lui avouer auparavant que son père qu’elle croit mort depuis douze ans ne l’est pas et qu’on lui a menti tout ce temps.
    Elle va tenter de le retrouver et ce faisant rencontrer quelques obstacles. Un criminel tout juste sorti de prison qui lui aussi recherche le père en question, et dont elle n’a pas conscience… le penchant de sa mère pour les bruns aux yeux bleus qui va les mettre dans une situation plutôt scabreuse… et sûrement d’autres, je n’ai pas terminé l’écriture. Ce n’est pas un roman pour enfant. Je publie mon premier jet au fur et à mesure sur mon blog, c’est un sacré pari qui me colle des sueurs froides chaque semaine. Je suis ma propre héroïne en quelque sorte. A très bientôt.

    1. Je comprends que ça te donne des sueurs froides ! Moi je passe mon temps à revenir en arrière pendant mon écriture pour rajouter des nouveaux traits pour mes personnages ou des idées que je découvre alors que mon récit est déjà bien entamé ! Et pourrais-tu mettre ton adresse de blog ? Je suis très intriguée par ton pitch et aimerait beaucoup le lire !

    2. S’engager à publier ses écrits au fur et à mesure est excellent pour la motivation, mais effectivement c’est un sacré stress. Il faut avoir les nerfs solide! C’est comme de se faire son propre NaNoWriMo. Bravo et bon courage pour cela.

  2. tres interessant mais moi j’ai du mal avec les conflits car je n’aime pas que ce soit sanglant et j’essaie de trouver des conflits plus subtils mais ce n’est pas facile!!

  3. Article qui m’aide vachement dans le début de l’écriture. Ton blog est vraiment d’une grande aide et me donne les directives à prendre pour débuter l’écriture de mon histoire. Moi qui croyait avoir toute les infos pour débuté et bah NON. Merci pour le travail que tu fais.

    (5/5)

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